Les spécialistes universitaires américains se disent impressionnés par la justesse du regard sur la société de l’époque que l’on nommera WASP White Anglo Saxon Protestant. WASP, le noyau dur de l’Amérique. Même si les vagues successives ultérieures d’immigration ont bouleversé la répartition géographique d’origine, les réflexions  du Français  restent d’une certaine actualité aux USA.

C’est aussi un livre miroir. Quand il parle de l’Amérique, la France est toujours en arrière-plan, directement ou implicitement.   Ce sera aussi notre angle, puisque nous avons décidé d’entreprendre ce road trip (6 000 kilomètres) à un moment important de l’histoire US, un peu plus de deux semaines avant une élection présidentielle à la portée difficile à imaginer. La France vit également une crise de la démocratie représentative.  

Tocqueville notait que l’organisation de cette terre d’Amérique s’appuyait sur trois piliers principaux

• L’éducation considérée comme moteur du développement civique harmonieux  encadrée par des principes religeiux
• La religion développant un concept de liberté et de tolérance à l’intérieur d’un cadre commun, la foi. Le protestantisme revendique pour chacun le devoir de lire la Bible et le droit d’en tirer sa propre interprétation, au-delà des diktats de la hiérarchie, et ce dans le respect des autres.
• Une forme de démocratie directe. Tocqueville note que la France s’est organisée de haut en bas, le roi, la capitale Paris, puis les provinces et les villages. Les communautés des pionniers américains, les Pilgrim Father, ont été l’unité de base au local, les villageois discutaient, prenaient des décisions en  commun en particulier sur la nécessité de lever les impôts pour construire une école ou embaucher un enseignant, corporation très mobile à l’époque. Ce n’est que plus tard que les communautés se sont organisées en Etats d’abord puis en Fédération, strates considérées encore aujourd’hui comme suspectes.

Dans un tableau globalement positif voire admiratif  et mythifié selon Pierson , un historien américain grand spécialiste de Tocqueville, l’auteur sait pourtant inscrire les zones de friction

• Le protestantisme est-il aussi tolérant et égalitariste qu’annoncé ?
• L’aspiration à devenir riche, qui a toujours caractérisé les Américains, est-elle compatible avec une certaine éthique voire morale religieuse ?
• Individualisme versus collectif. Chaque citoyen est invité à devenir un funambule, guidant sa vie sur ce fil. La loi est l’arbitre, elle n’est pas dogmatique, elle s’appuie sur un texte mais surtout sur la jurisprudence et les diverses interprétations du passé de cette loi
• L’éducation était-elle vraiment un levier d’égalité et de liberté 

C’est sur cette distinction subtile entre égalité et équité que Tocqueville règle ses comptes avec ses propres biais. Fils d’une famille d’aristocrates, Tocqueville, en rupture, est convaincu que la République est l’avenir de la France qui vit alors sous un régime de monarchie plus ou moins constitutionnelle, contestée par des révolutions ou troubles (1830 et 1848). Tocqueville pense et d’autres avec lui plus tard que la France n’a pas complété sa  grande Révolution de 1789. Une certaine République, à l’image de sa grande soeur américaine, est la solution. Mais pas n’importe quelle république. Sa famille ayant souffert de la Terreur  (1793-1794), il se méfie de cette propension à l’anarchie,  cette  instabilité française. Pour contrôler cette « tyrannie ‘ du peuple, Tocqueville s’accroche à l’Ancien Régime. La République doit être guidée par des sages, des notables, des autorités « naturelles ». On est loin a priori de la démocratie directe des pilgrim fathers.

Les concepts de Tocqueville, parce qu’ils touchent à des questions essentielles sur ce qu’est la démocratie sont vivifiantes, bien que marquées par son époque. Qu’en reste-t-il ? Tocqueville 2024 enfourche sa Harley Davidson. En routeµ

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