GET RICH !!!!

20 0CTOBRE 2024 - Les deux Français  arrivent à Newport le 9 mai 1831 à 8 h du soir. Le lendemain, ils se lèvent avec le soleil pour visiter la ville portuaire qui compte 16 000 habitants. Beaumont fait rapidement une découverte qu’il partage dans une lettre destinée à sa famille en France. « Ce peuple est entièrement dévoué au commerce et aux affaires. Cette petite ville compte  4 ou 5 banques, et c’est pareil dans toutes les villes américaines »  (Pierson, p30). La richesse des marchands de Newport s’appuyait alors sur une intense activité maritime avec le commerce et l’exportation de rhum, chandelles, poissons, meubles et argent. Désormais, la ville (24 585 habitants en 2024) compte 6 banques. Le revenu médian d’un foyer est de $ 81, 330 (datausa 2023) contre 80,610 U.S. dollars la médiane nationale , plus de 5O% gagnant moins de 75 000 dollars. Et la richesse de Newport s’appuie sur le tourisme avec plages magnifiques qui ont convaincu des magnats dont la famille Vanderbilt  à construire de somptueuses résidences secondaires.

 Sur le bateau Le Havre qui les avait transportés en Amérique, Tocqueville avait fait la connaissance de Peter Schermerhorn, un marchand fortuné. « Il m’a dit qu’un trait essentiel du caractère américain est cette avidité à devenir riche  et de le réaliser par tous les moyens possibles » (Ibid, p 29).  Vouloir devenir riche requiert une discipline héréditaire. Une amie , au temps de mes études à Columbia U de NYC, m’avait questionné en ramassant les pièces de un cent oubliées sur les trottoirs. « Mes grands-parents et parents, qui vivaient dans l’opulence,  m’ont toujours dit que faire ce geste est un acte d’humilité, un signe de respect face à Dieu et au destin et que c’est le début de la fortune » disait-elle en souriant. Le dicton existe sous toutes les latitudes, mais  n’est peut-être  pas mis en pratique avec la même ferveur, la même vigilance au ras de pâquerettes qu’aux Etats-Unis .  Laurie, la jeune femme, concédait volontiers que son diplôme d’une grande université de New York lui permettrait d’accéder plus rapidement à la fortune avec la garantie à terme d’un salaire à six chiffres, mais rien n’y faisait, elle sacrifiera toujours au rituel familial.

Le capitalisme est triomphant à Newport, comme partout dans le pays. Pourquoi cette appétence, ce talent même pour le business et l’argent ? Le sociologue allemand Max Weber avait tenté en son temps une hypothèse dans son œuvre maitresse, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme.  Il explique que l’éthique protestante encourage des comportements tels que la discipline, le travail acharné, et l’épargne, qui sont propices au développement économique et à l’accumulation de capital. Ces valeurs ont contribué à créer un environnement favorable à l’essor du capitalisme dans les pays protestants comme les Pays-Bas, l’Angleterre et les États-Unis.

Cette thèse a été largement débattue et critiquée. Certains chercheurs estiment que le protestantisme n’était qu’un facteur parmi d’autres dans l’essor du capitalisme. D’autres relèvent que certaines villes italiennes catholiques avaient développé un capitalisme florissant, parfois avant même la Réforme.

Reste la question épineuse du capitalisme et de la morale , religieuse ou pas. Sur le bateau Le Havre Peter Schermerhorn avait dit à Tocqueville« Un trait essentiel du caractère américain est cette avidité à devenir riche  et de le réaliser par tous les moyens possibles » (Ibid, p 29). Lourde confidence ?

De nombreux  prédateurs et scandales financiers souillent l’histoire économique des Etats-Unis.  Enron (2001),   Bernie Madoff Ponzi (2008), WorldCom (2002), Lehman Brothers (2008), FTX Cryptocurrency  (2022), Theranos (2015) sont autant de noms porteurs d’illégalité souvent cynique. Les banques n’échappent pas aux foudres fédérales, y compris BNP Paribas, qui a plaidé coupable en 2014, pour avoir utilisé le système financier américain afin de financer  des opérations en Iran, Soudan et Cuba, pays faisant l’objet de sanctions économiques de la part des autorités américaines pour « promouvoir le terrorisme ».

Mon directeur de thèse, ancien financier recyclé dans l’enseignement supérieur, est convaincu que le capitalisme véhicule une éthique retranscrite dans la loi et farouchement surveillée par de nombreux chiens de garde (1). Notre professeur est également convaincu que le respect de règles communes, parfois non codifiées, est le gage de l’éthique du capitalisme.

 

 

 IL était fort en colère, « dix cents de différence, ce n’est rien, le principe est tout, il en va de l’honneur du business ».  Tout à notre perplexité amusée, nous n’avons pas eu la présence d’esprit à ce moment de lui demander ce qu’il pensait  des compagnies aériennes pratiquant depuis plus d’une décennie des prix élastiques sur internet au gré de plusieurs facteurs. Le capitalisme des marchands  du temple est-il soluble dans la religion, puisque, selon l’institut Pew Center, la majorité des Américains sont théistes, croyant en une divinité ? Richard Sitbon, économiste français, devenu directeur du Trésor israelien, attaché à la lutte contre le blanchiment d’argent, croit trouver dans la Bible et une étude avertie des principes de la religion juive et protestante, un modèle, qui n’est ni capitalistique ni marxiste, fondé principalement sur la solidarité comme vertu  cardinale (« L’économie selon la Bible »). De fait, la question n’appelle pas qu’une réponse, de la théologie de la libération des prêtres ouvriers d’Europe ou révoltés d’Amérique du sud à la condamnation par les religions du livre de maimon, mot grec signifiant la cupidité, l’espace est large pour développer une économie du profit, vu comme un prélude à un réinvestiment pour aller  plus loin.  Mais pas trop loin. Les jeunes Américains qui proclamaient Occupy Wall Street il y a dix ans  voulaient trouver une autre distance au développement économique, entre confort pour tous et respect de l’écologie et de l’éthique. Que sont-ils devenus ? Nous tenterons d’en trouver pendant notre voyage. Il semblerait selon, Jon Marcus dans un article (2 )  que ces tranches d’âge 18-24 ans qui manifestaient auparavant une totale indifférence à la politique (selon U.S Census Bureau, un taux inférieur de 15 à 20 % par rapport au reste de la population, elle aussi plutôt abstentionniste), aient cette fois l’intention de se rendre aux urnes. Pour soutenir quel camp (3)? Les deux candidats mettent en avant que la classe moyenne a du mal à joindre les deux bouts. La société, « très  uniforme, égalitaire » découverte par Tocqueville et Beaumont, est devenue hiérarchisée. Alejandro, un ami latino, me confiait. « Dans ce pays, tu peux devenir riche si tu travailles dur ».  Utopie de migrant ? Ph.W

Notes de pied de page

 (1) Sont mobilisés par la loi pour traquer les illégalité financières : le FinCEN (Financial Crimes Enforcement American Network), un bureau du  S. Department of the Treasury,  le FBI (White Collar Crime Division),  SEC  (Securities and Exchange Commission), OIG (Office of the Inspector General, entité au sein de plusieurs agences fédérales), le DOJ finalement (Department if Justice), sans compter la collaboration de ICIJ (International Consorcium of Investigative Journalists) fort capables de lever des lièvres dans les fourrés cachés  des yeux officiels.

(2 ) publié dans the Christian Science Monitor, The Hechinger Report et Teen 

(3) Puisque Tocqueville compare souvent les Etats-Unis et la France, osons une comparaison. A la surprise générale, la France a voté massivement lors des élections législatives de juin et juillet 2024.  Selon l’Ifop, la participation des 18-24 ans au premier tour a été plus importante que d’habitude ( 57%). Selon d’autres études, plus généralistes, ce sont les deux « extremes » (RN et NFP) nommées ainsi par le centre, jadis majoritaire, qui ont bénéficié de ces  voix de jeunes. On a parlé de « génération Bardela ».  Nous reviendrons sur le viote jeune à l’occasioin de noitre passage en Pennsylvanie, swing state