…..MAIS LA SUITE  N’EST PAS GARANTIE

 

 

10 OCTOBRE 2024- Tous les dimanches que propose l’année scolaire, un bus, stationné près d’une bouche de métro, démarre à 16h30 tapantes avec à son bord  les collégiens et lycéens de l’internat d’excellence Honnorat de Barcelonnette, dans les Alpes de Haute Provence. Les étudiants habitent des quartiers difficiles de Marseille.

Les conditions de travail dans le petit appartement de la famille de S. , occupé par cinq personnes, avec la seule mère comme autorité parentale,  ne sont pas adaptées au besoin d‘isolement que requiert l’étude. En accord avec sa mère et les enseignants, il a  décidé de partir à plus de 200 kilomètres, dans un cadre paisible, au milieu des montagnes, pour réussir sa scolarité.

« On m’enseigne à être autonome. On m’inculque une méthode de travail » détaille le collégien. « Après les cours, on nous accompagne, en étude, dans le travail personnel, la révision des cours, l’aide aux devoirs. C’est personnalisé, l’enseignant connait mes qualités et défauts, il m’oriente. Cela me servira dans la poursuite de mes études parce que je veux aller  loin, avoir un bon métier, aider ma mère, mes frères et sœurs à sortir de cette cité dans laquelle j’ai aussi connu le  bonheur, mais qui reste pourrie par la drogue et la violence. J’y retourne en fin de semaine. En plus, l’internat propose des activités sportives et culturelles. Je n’avais jamais vu la neige et pratiqué le ski avant »

L’internat faisait partie de la première liste de onze établissements en France, dressé de dans le cadre du Plan Banlieues (2008), réponse aux émeutes de 2005 dans les cités défavorisées. Les inspections générales ont disséqué le programme après quelques mois. Trouvant des failles. « Il y a trop de jeunes perturbateurs, à qui a imposé cet exil, et pas vraiment motivés » se plaint un chef d’établissement  à l'inspection. La mise en place des premiers internats d’excellence (education.gouv.fr).

Réponse est apportée avec la création d’internats tremplin (8 en 2019) , destinés y compris par décision de justice aux décrocheurs ou aux récidivistes (plusieurs fois exclus en cours d’année).  

LE PRESIDENT MACRON RELANCE LE PROGRAMME

 

Les chercheurs trouvent que les critères d’évaluation des internats d’excellence (IE) pèchent par manque de recul, on ne peut savoir si l’apprentissage de cette autonomie et méthode a été utile (et dans quelle mesure) que bien plus tard, à l’université par exemple. Dans ce contexte d’incertitude, le coût fait tiquer, entre 21 et 25 millions d’euros d’investissement (hors fonctionnement dont les transports) pour l’internat de Barcelonnette, un des plus onéreux de cette première vague. Les relations Etat (qui impulse,  finance  et est maitre d’ouvrage) et les collectivités locales sont alors tendues. « Le conseil régional de la région Provence Alpes Côte d’Azur (PACA) refuse de participer, tant en investissement qu’en fonctionnement, aussi bien à l’IE de Nice qu’à celui de Barcelonnette. «  rapporte l’Inspection générale  (p.17  La mise en place des premiers internats d’excellence (education.gouv.fr).

A la rentrée 2012, 44 IE sont en place pour  un total (faible) de 4 173 élèves. Le  ministre socialiste Peillon annonce en mars 2013 qu’il n’entend pas reconduire l’expérience  trop onéreuse.

Mais au même moment, une étude Rapport-sourdun-jpal.pdf (povertyactionlab.org) de l’école d’économie de Paris, prouve que dans le cas de cet internat pionnier (dès 2009)  de Sourdun, la pédagogie a un effet important sur les compétences des élèves en mathématiques. Le ministère rétropédale. L’engouement, s’appuyant sur du ressenti des acteurs davantage que sur des preuves scientifiques, demeure pour cette nouvelle pédagogie et de vie en collectivité, inspirées des internats d’antan.  

En septembre 2020, dans une allocution solennelle sur le sujet, le président Macron relance et élargit la formule. Il ne restait alors qu’une petite quarantaine d’IE, il fixe l’objectif de un établissement par département à l’horizon 2022. L’ Etat lance un appel à projets et met sur la table 50 millions d’euros pour la réhabilitation ou la création de places d’internat. Six mois après l’appel d’offres  (mars 2021), le ministre Blanquer annonce que 54 projets ont été retenus.  Des internats spécialisés (filière sport par exemple à  Saint-Exupéry à Marseille)  sont créés. En octobre 2023, l’appel à projets spécifique « internats d’excellence ruralité » permet de labelliser 170 internats d’excellence situés dans 24 académies et dans 82 départements, pour un total de 22 300 places. Les rapports avec les collectivités locales s’améliorent, en particulier les conseils généraux (devenus départementaux) qui se saisissent de cette opportunité pour trouver une solution à leurs problèmes de mobilité en milieu rural. A l’intérieur de ces espaces, la distance séparant certains villages éloignés des établissements est très couteuse en termes de transports scolaires.

 

LE DISCOURS PRUDENT DE LA NOUVELLE MINISTRE

Désormais, les départements pour les collèges et les Régions pour les lycées cofinancent. Une dynamique était clairement mise en place pendant les mandats Macron puisque en 2024, 305 établissements étaient labellisés, l’internat d’excellence devient un des projets phares. Le budget 2024 avait inscrit « dès cette nouvelle rentrée, 170 internats supplémentaires bénéficieront de la labellisation « internats d’excellence », dont 38 avec le soutien financier de l’État à hauteur de 40 millions d’euros.

C’est bien cet engagement publié avec la circulaire de rentrée du 27 juin 2024, trois jours avant le premier tour des élections législatives ; suite à la dissolution de l’Assemblée nationale que la ministre Belloubet, désormais démissionnaire avec le gouvernement Attal a confirmé le 27 août, lors de la conférence de rentrée. La nouvelle ministre du gouvernement de coalition Barnier a confirmé, continuité de l’Etat oblige. Suite à la présentation du budget 2025, la communication  ministérielle a même rajouté un établissement. «39 projets, représentant plus de 4 600 places créées, réhabilitées ou équipées, bénéficient d’un soutien financier total de l’État de 40 M€. « 

Ajoutant, « En 2025, l’avancement de ces projets devrait se traduire par des investissements à hauteur de 10 M€. » Soulevant ainsi des questions. S’agit-il simplement de l’effort de l’Etat ou cumulé avec les collectivités ? Pourquoi un conditionnel ?

Mais de projets supplémentaires, dans un prolongement du programme, il n’est pas question. Est-ce le baroud d’honneur à court terme de cette idée pédagogique, qui coûte cher et ne fait pas le remplissage espéré  malgré les nombreux succès. Une fois déduites les bourses et les aides internat, les parents hésitent à débourser le solde (45 euros/mois) qui leur est demandé  à Honnorat. En 2022, seulement 79,6% des places disponibles étaient occupées sur l’ensemble du territoire.  M.A et Ph.W

ENGLISH VERSION 

October 10, 2024- Every Sunday during the school year, a bus parked near a metro entrance leaves at 4:30 p.m. sharp with the middle and high school students of the Honnorat Boarding School of Excellence in Barcelonnette, in the Alpes de Haute Provence. These students come from the challenging neighborhoods of Marseille and often face difficult living conditions. Samir, 14, struggled to find a quiet place to study in the small apartment occupied by five people, with only his mother as parental authority. Despite this, his determination to succeed was truly admirable. In agreement with his mother and the teachers, he decided to go more than 200 kilometers away, to a peaceful setting in the middle of the mountains, to ensure the isolation required for his studies. "In the boarding school, they taught me to be autonomous with a working method," explains the schoolboy, showcasing his maturity and responsibility in his learning journey. "After class, we are accompanied in study, in personal work, in the revision of lessons, and help with homework. It's personalized; the teacher knows my qualities and defects and guides me. This experience will serve me well in the pursuit of my studies because I want to go far, have a good job, and help my mother, my brothers, and sisters to get out of this city in which I have also known happiness but which remains rotten by drugs and violence. I'm going back at the end of the week. In addition, the boarding school offers sports and cultural activities. I had never seen snow and skied before."

The Honnorat boarding school was part of the first list of eleven establishments in France, drawn up as part of the Plan Banlieues (2008), a response to the 2005 riots in disadvantaged housing estates. The general inspectorates dissected the program after a few months. Finding loopholes  A school principal complained to the inspectorate about the high number of disruptive young people who have been forced into exile and lack motivation. La mise en place des premiers internats d’excellence (education.gouv.fr).

To address this issue, specific boarding schools (8 in 2019) have been created for dropouts or repeat offenders, as mandated by court decision.

President Macron has relaunched the program.

However, researchers have found that the evaluation criteria for these boarding schools of excellence are flawed due to a lack of long-term perspective. The effectiveness of teaching autonomy and methodology can only be assessed much later, for example, at the university level. In the midst of this uncertainty, the cost is a concern, with an investment ranging between 21 and 25 million euros (excluding operating costs, including transport) for the boarding school in Barcelonnette, making it one of the most expensive of this first wave.  (p.17  La mise en place des premiers internats d’excellence (education.gouv.fr).

The General Inspectorate's report highlighted strained relations between the State (the project owner and financial promoter) and local authorities. For example, the regional council of the Provence Alpes Côte d'Azur (PACA) region declined to participate in the investment and operation of educational initiatives in Nice and Barcelonnette. At the beginning of the 2012 school year, there were 44 borading schools of excellence  (IEs, French acronym) with a total of 4,173 students. The socialist minister Peillon announced in March 2013 that he did not plan to continue the experiment due to its high cost. However, a study by the Paris School of Economics revealed that the pioneering boarding school in Sourdun, established since 2009, significantly improved students' mathematics skills. Rapport-sourdun-jpal.pdf (povertyactionlab.org)

This promising result has prompted the ministry to reconsider, offering hope in this challenging situation.  In September 2020, President Macron expanded and relaunched a program regarding boarding schools. At that time, there were only about forty boarding schools remaining, and he aimed to have one school per department by 2022.  Department is administrative entity in France (The government launched a call for projects and allocated 50 million euros for the renovation or establishment of boarding facilities. Six months after the call for projects (March 2021), Minister Blanquer announced that 54 projects had been chosen. Specialized boarding schools, such as those focused on sports like Saint-Exupéry in Marseille, were established. In October 2023, a specific call for projects known as "boarding schools of rural excellence" resulted in the labeling of 170 excellent boarding schools located in 24 academies and in 82 departments, providing a total of 22,300 places