

Représentation artistique de Protagoras

BIBLIOGRAPHIE
- "La sagesse présocratique (Les sophistes, derniers "présocratiques" ?)
By Marie-Laurence Desclos U Grenoble, emeritus
- " Platon et Protagoras : L '« Apologie » du sophiste dans le Théétète et son rôle dans le dialogue - Daniel Babut
Revue des Études Anciennes Année 1982 84-1-4 pp. 49-86
Sophistes: escrocs manipulateurs ou véritables précurseurs pédagogiques ?
AVRIL, 2, 2025 - La scène introductive du "Protagoras" de Platon dit beaucoup de choses sur l'auteur, les protagonistes et la mauvaise réputation des sophistes.
A peine le jour levé, Hippocrate (qui n'est pas le célèbre inventeur de la médecine) se rend chez son ami Socrate. Mettant beaucoup d'enthousiasme, il explique au philosophe que le grand Protagoras et des sophistes célèbres comme Hippias d'Elis sont en ville et donnent des enseignements. Hippocrate veut suivre ces leçons comme beaucoup de jeunes gens de l'époque et il souhaite que Socrate l'introduise. Socrate accepte d'accompagner son ami, mais il lui pose au préalable des questions
- Acceptera-t-il de payer beaucoup d'argent pour devenir le disciple de Protagoras qui demandait dix mille drachmes pour une formation complète de trois ou quatre ans ? (Minois, p. 17, 1). Hippocrate est prêt. Protagoras et les sophistes sont les premiers professionnels de l'éducation, qui est aussi un business pour eux (Tremblay, 2) alors que c'est une mission pour l'école socratique. Mais il y aura un retour sur investissement, Hippocrate en est convaincu, Protagoras enseigne à « rendre les hommes habiles à parler ». Et c'est bien utile pour obtenir une charge publique afin de devenir riche.
- Socrate insiste. Habile à parler, certes, mais sur quel sujet ? Quel est le sujet que Protagoras maitrise assez pour l'enseigner ? Hippocrate consulterait-il un médecin sans savoir s'il est compétent pour diagnostiquer une maladie et les traitements à apporter ? Finalement les sophistes ne sont-ils que des épiciers vantant sans distinction l’ensemble de leurs marchandises, sans s’inquiéter de leur impact sur la santé, physique et de l'âme, sans se poser des questions sur le sens de connaissances, sans définir les choses bonnes, toxiques inutiles et corruptrices. Hipocrate n'en démord pas.
Deux conceptions de l'éducation s'affrontent. L'une est théorique, travaillant sur la morale et l'âme, et veut s'adresser à tous, l'autre est pragmatique, matérielle et se concentre sur une clientèle précise, les fils de riches qui veulent faire de la politique en professionnels et ainsi s'enrichir, c'est la seule morale puiqu'il n'y pas de vérité. L'école socratique cherche la Vérité et convoque les dieux, mais l'absolu, la preuve irréfutable leur échappe sans cesse car leur enseignement porte essentiellement sur la philosophie et la morale politique dans l'organisation de la Cité. Mais les résultats de la méthode expérimentale sont parfois difficilement mesurables et donc contestables dans ces domaines. Ce ne sont pas des précurseurs de sciences de la vie comme le médecin Hippocrate de Kos (vers 46 av J, mort vers 377 av JC) ou de sciences dures comme le mathématicien Pythagore (VIe siècle avant JC ), et l'astronome Anaxagore (vers 500-428 av JC) tous pré socratiques comme Protagoras dans son domaine. Protagoras n'a pas de vérité, elle est du côté de ceui qui sait convaincre. Il est donc relativiste et agnostique, et sera mêrme chassé d'Athènes pour avoir écrit dans son "Traité sur les dieux " "Touchant les dieux, je ne suis pas mesure de savoir ni s'ils existent, ni s'ils n'existent pas, pas plus que ce qu'ils sont dans leur aspect. Trop de choses nous empêchent de le savoir: leur invisibilité et la briéveté de la vie humaine".
En fait, il est capable de parler de tous les sujets, même de "sciences naturalistes", les futures sciences dures tout au moins énumérer les connaissances du temps, qui ne sont que des hypothèses invérifiables et argumenter pour l'une ou l'autre. " Protagoras entreprend, dans le Théétète, de démontrer qu’il n’est pas d’autres réalités que les représentations que l’on en a, de le voir comparer les « opinions » du malade et celles de l’homme en bonne santé, le médecin et le sophiste : nous sommes ici dans « une zone de réflexion aux franges de la médecine et de la philosophie 6 ». L’auteur de l’Ancienne médecine et l’Aristophane des Nuées en témoignent chacun à leur façon lorsqu’ils associent médecins et sophistes"
Mais cette approche a des limites au regard des conditions contemporaines où si effectivement une définition négociée entre spécialistes permet de fixer une norme, un seuil de taux de glycémie envoyant une population dans la longue maladie nommée diabète de type II, il s'agit moins de philosopher que de prévoir des mesures sociétales dont des traitements pour prévenir et guérit ce mal du XXIe siècle.
La pédagogie enseignée par les sophistes consiste à dermander à l'étudiant de défendre une thèse puis l'autre en argumentant de façon structurée (dialectique) et y mettant les formes et le style (rhétorique). Ensuite il était libre de choisir en fonction de ses intérêts pour l'une ou l'autre des thèses. T
Thèse, antithèse, synthèse, une architecture de la théorie de la connaissance est ainsi développée telle que formulée par Héraclite, autre philosophe présocratique (vers 500 av JC) , reprise plus tard par Kant et Hegel.On comprend pourquoi en cette période actuelle de post-vérité et relativisme, les sophistesd fassernr l'obejt d'u e réhabilitation tout au moins partielle. Comme l'écrit Tremblay "Paradoxalement, bien que Platon (NDLR et Socrate) soit davantage lu et commenté aujourd’hui, la pensée des sophistes s’harmonise davantage avec les valeurs et les idéaux de notre époque. Il importe donc de leur redonner la place qu’il leur est due dans l’histoire de la Grèce ancienne et même, plus largement, dans celle de l’Occident."
Ph.W
(1) Il est difficile de trouver une équivalence en monnaie du XXIe siècle. Une drachme pouvait correspondre au salaire journalier d'un ouvrier qualifié à Athènes. Elle représentait environ 4,3 grammes d'argent dans ce Ve siècle avant JC. Un convertisseur de monnaies anciennes, testamentpress.com, prend le risque de chiffrer l'équivalence à 435 000 dollar
(2) "Suivant Cicéron, le sophiste est un homme qui poursuit la philosophie en vue de l’ostentation ou du gain, définition qui, si on doit la prendre pour un reproche, portera fortement sur le grand corps des maîtres modernes, qui sont déterminés à embrasser leur profession, par la perspective soit d’en tirer un revenu, soit d’y faire figure, soit par les deux motifs, – qu’ils aient ou non un goût particulier pour cette occupation" Tremblay lire